POUR UN MONDE UN PEU MEILLEUR, OU MÊME BEAUCOUP, par François Leclerc

Billet invité.

L’Europe fait figure de mauvaise élève comparée aux États-Unis en terme de croissance. Mais les 2,4% de progression de l’activité économique américaine de 2014, qui connaissent un tassement, font pâle figure comparés aux 3,4% réalisés en moyenne dans les années 90. Comme attendu, c’est la consommation qui tire la croissance – elle y contribue pour 70% – mais les dépenses des Américains ont seulement retrouvé leur niveau de 2006, ce qui relativise le constat.

D’où provient l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages ? De la baisse du prix de l’essence et de la diminution du chômage, est-il expliqué. Ce qui ne rend pas compte de la nature des nouveaux emplois et de leur rémunération, ni de l’accroissement des inégalités de répartition des revenus. L’illustrant, les grandes villes américaines ont connu en avril des manifestations très suivies pour réclamer une augmentation du salaire horaire minimum. A New York, ils étaient entre 10.000 et 15.000 dans la rue, salariés précaires et sous-payés, travaillant dans la restauration rapide, s’occupant d’enfants, dans les secteurs de la santé, du bâtiment ou travaillant dans les aéroports.

Cela néglige un autre facteur important, la progression du crédit. Les données font apparaître son bond, en dépit du recul du crédit revolving des cartes (la « plastic money »), le volume du crédit non-renouvelable progressant fortement. Le crédit automobile et les prêts étudiants en sont principalement à l’origine, qui constituent les deux tiers du crédit à la consommation. Mais l’analyse du crédit doit désormais aussi intégrer les données d’un secteur en plein boom, celui des plate-formes électroniques de prêt entre particulier, une nouvelle composante du shadow banking. Si celles-ci n’ont encore octroyé que 5,5 milliards de dollars de prêts en 2014, ce volume augmente de 84% en moyenne tous les trois mois, et elles pourraient selon PriceWaterhouseCooopers distribuer 150 milliards de dollars de prêts dans dix ans. Les investisseurs trouvent de meilleurs rendements que ceux des produits financiers proposés par les banques (7%), et les emprunteurs des taux d’intérêts inférieurs à ceux du marché (de 6% à 12%). Mais l’opacité de ce secteur soulève de sérieuses interrogations.

Les élus républicains sont naturellement au dessus de cela et ont fait voter par la Chambre des représentants la suppression de l’impôt sur l’héritage, un de leurs chevaux de bataille traditionnel qu’ils surnomment « l’impôt sur la mort ». Le Sénat devrait cependant bloquer cette initiative, la Maison Blanche étant prête si nécessaire à y opposer son veto. Au fil des ans, les abattements se sont multipliés, aboutissant à ce que seules les successions supérieures à environ 5 millions de dollars par personne soient imposables, mais c’est encore insoutenable ! Les républicains défendent ce qu’ils appellent « la part du rêve américain » et le droit des plus riches à léguer leur patrimoine dans son intégralité, faisant en l’espèce peu de cas de ce mérite qu’ils saluent pour être à l’origine de la réussite.